Liebe tut der seele gut - Berlin (avril 2024)


Les photos sont en fin d'article.

Du vist voll in ordnung (sontag) 

La dernière fois que j'ai mis les pieds à Berlin c'était en 2010. J'arrivai d'un périple de 800 bornes depuis Winterthur avant de repartir un jour plus tard pour un autre de 800 bornes également, vers Nancy. Autant dire que la découverte de la ville avait été expéditive. 14 ans plus tard, l'arrivée par le métro aérien donne un autre aperçu et d'autres sensations. Une heure de trajet depuis l'aéroport, ça donne une vague idée de l'extension démographique de Berlin qui ne s'emmerde pas à chercher en hauteur la place qu'elle peut avoir horizontalement. Notre point de chute est situé à Kreuzberg, quartier populaire au sud de Mitte. C'est dimanche, quelques personnes dans les rues défient le vent violent qui soulève les poubelles et fait voler les poussières dans les yeux. Avant de rejoindre l'auberge, le bunker de l'Histoire de Berlin semble une étape à ne pas rater. L'édifice, bâti en 1943 après les premiers bombardements anglais, s'étend sur pluisieurs niveaux, doté d'une centaine de pièces pas toutes aménagées. Dans celles où l'on déambule, elles sont garnies de panneaux retraçant le Berlin de l'avènement du nazisme et dont le point d'orgue est la reconstitution du bunker de Hitler. A la différence d'autres pays, l'Allemagne et les descendant·es ont l'impression d'avoir pris à bras le corps leur passé, ne minorant rien, assumant totalement les horreurs commises et faisant tout son possible pour que le pays ne soit plus un terreau fertile à l'extrême droite. On ne retrouve pas toujours cette impression ailleurs en Europe, mais Berlin semble occuper une position à part. Par deux fois la ville a été l'épicentre d'un passé qu'elle cherche toujours à expier de toutes les façons.

Sur la route du Musée Juif, le bout de la promenade est veillé par la Tomas Wiesbacher Haus, un squat toujours debout. La maison est percée d'un porche qui nous conduit vers une arrière court devant servir de bar à ciel ouvert les journées chaudes d'été. Apparemment, plus aucune activité n'est programmée à ce jour mais le lieu semble toujours habité. Le lieu a dû concéder un de ses flancs au street-art, en témoignent les graffeur·euses qui s'en donnent à coeur joie. 

Je pensais le complexe Yad Vashem de Jérusalem inégalable. Il l'est toujours même si le musée Juif de Berlin de l'architecte Daniel Libeskind n'a pas grand chose à lui envier. Le grand vaisseau noir donne le ton, à côté d'un ancien établissement scolaire servant d'entrée. A peine éclairé de petites fenêtres semblables à des meurtrières, on s'enfonce dans des couloirs au sol inégal, dont les sobres vitrines servent de tabernacle à des effets de personnes disparues pendant la Shoah. Au bout de l'axe de l'Holocauste, une lourde porte mène sur un champ de stèles, le jardin de l'exil, monolithes symbolisant les vies humaines sacrifiées durant la période nazie. Au bout d'un autre couloir, résonnent des bruits métalliques, ceux de l'oeuvre "Shakelet" de Menashe Kadishman lorsque les gens marchent dessus. Ces pièces de métal lourd, percées de deux yeux et d'un sourire sont les visages de des juif·ves exterminées dans les camps. A côté de ça, le point-photo de Check-Point Charlie, frontière entre Berlin-est et Berlin-ouest pendant la guerre froide passerait presque pour une pause fraicheur n'étaient les drames survenus et les familles qui se sont déchirées une nuit de l'année 1961. 

Le Scheunenviertel, le quartier juif, est l'étape toute trouvée pour se restaurer. Le Curry 61 est l'adresse à faire pour un currywurtz vegan que l'on va déguster au parc Monbijou pendant qu'au loin résonnent des airs de jazz. Le froid commence à tomber mais ça n'empêche pas les gens du quartier de profiter des derniers rayons de soleil pour un barbecue ou une partie de badmington. Nous on est raides et on part siroter une bière à l'auberge avant d'aller se coucher.

BO : Soastaphrenas - Reborn Again

Auf den Spuren von Wim Wenders (montag)

On nous casse souvent les pieds avec la supposée rigidité des allemands. A Berlin on a du mal à la voir de prime abord. Le métro est ouvert à toustes, pas de tourniquet pour entrer, tout est laissé à la responsabilité individuelle, sans flicage. Pas beaucoup de portiques sécurité dans les magasins et les condés courent pas les rues. Pas mal de bouteilles laissées volontairement  sur les trottoirs pour permettre à ceux qui les ramasseront de se faire 3 sous. Les poubelles débordent et les dépôts sauvages sont monnaie courante. Bref, la ville vit et a l'air de se gentrifier un peu moins rapidement que ses voisines.

Après un déjeuner copieux, nous partons sur les traces de Wim Wenders. Au delà de la porte de Brandenbourg, au bout de Tiergarten, s'élève la Siegessäule, immortalisée dans "Les ailes du désir". Chaque tronçon qui la compose symbolise une victoire de la Prusse sur les danois, les français et un petit musée a pris place dans son fût. On retourne sur nos pas vers le mémorial de l'Holocauste, sur la Hannah Arendt Str. (ça s'invente pas) gigantesque champ de stèles, mis en scène comme une descente vers l'obscurité avant un retour vers la lumière. Comme fait exprès, la pluie s'invite dans la pérégrination donnant au tableau un aspect plus que sinistre.

En remontant Unter der Linden, on longe les ambassades qui sécurisent leur secteur en nous obligeant à descendre du trottoir et cheminer sur la route. Sur le chemin, on s'arrête à la Stadtbibliothek, la biliothèque d'état utilisée dans le même film de Wim Wenders. Après la cour, on accède à un escalier qui nous entraîne dans toutes les salles qui la composent. Nous avons trente minutes pour en faire le tour, un peu plus pour le goûter car le petit déj est déjà loin. Comme on n'a pas assez marché, on retourne dans Scheunenviertel. On découvre par hasard le Rosen Hof sur Rozenthaler Str. Construit pour le prolétariat au XIX siècle, cet ensemble a été réinvesti par les boutiques design et il est agréable de cheminer le long de toutes les cours qui le composent. Juste à côté la Haus Schwarzenberg baigne toujours dans son jus au bout d'une allée rempli de graffs destroys investie par des terrasses roots. Un autre currywurst nous attend au bout de la rue avant de prendre la direction du Kopi. 

A Berlin on a l'impression que tout est près mais il n'est pas rare, au sortir du métro, de marcher encore un km pour aboutir à l'endroit ou l'on veut atterrir. Je me rappelai plus trop du quartier lorsque j'y suis venu en 2010. Pas mal résidentiel, il n'inspire pas vraiment la joie de vivre ou plutôt l'envie d'y séjourner. L'idée de se retaper le trajet en sens inverse, non plus. Le Kopi a fait l'objet d'une tentative de réappropriation il y a quelques années car l'espace fait quand même envie. Un immeuble de quatre ou cinq étages et un espace qui servirait bien de parking. Pour l'heure les résident·es tiennent toujours le coup mais ça risque de pas durer. Ce soir là, Yarostan de Marseille faisaient une étape sur la tournée européenne. L'endroit est humide, par conséquent on reste à deviser gaiement dans la cour pendant qu'un mexicain pas loin de nous essaie en vain de rester debout. Dans la salle il fait encore plus froid, on en viendrait presque à regretter la pluie qui commence à tomber. Commme les squatters n'ont rien à cirer de savoir si on pourra rentrer ou pas avec les transports collectifs, le concert commence tard et on doit galoper pour choper le dernier train. On finit rincés. 

BO : Zann - Bis Aufs Messer

Das tapfere Eimerlein (Dienstag)

En bord de Spree le musée de l'ex-RDA ne paie pas de mine, extérieurement. A l'intérieur, on y retrouve le mobilier des maisons de l'époque, en gros le même qu'on avait chez nous. La tapisserie à mémé, les jouets en bois, de grands apparts avec le confort presque moderne. On en oublierait presque l'essentiel. Basées sur le régime soviétique, les denrées n'étaient pas à flux constant et beaucoup d'entre elles étaient coupées d'autres ingrédients pour garantir l'approvisionnement et le prix. Beaucoup moins marrantes, les cellules pour les opposant·es et les dispositifs d'écoute individuels montrant qu'on n'était pas spécialement en démocratie même si le terme était dans le nom de la partie est de l'Allemagne. Impressionnante aussi la maquette du Palais de la république, gigantesque vaisseau du pouvoir, démoli quelques années après la chute du mur de Berlin, officiellement par sa constitution d'amiante, officieusement pour le symbole qu'il représentait. 

Il fait de plus en plus froid. N'importe quelle boutique que l'on rencontre devient un prétexte pour se réchauffer. L'après-midi dans Fredrichshain nous permet de flâner par les rues de ce quartier destroy avec en point d'orgue la friche de RAW-Engeland qui accueille tout un panel d'activités allant de la salle de concerts au spot de skate-board. Le site sert de lieu de recueillement devant les stèles de Franz Stenzer et Ernst Thälmann, deux antifascistes allemands respectivement assassinés à Dachau et Buchenwald.

BO : Yage - 128

In der Scheiße Richtung Freiheit (Mittwoch)

Le palais Ephraim est notre première étape de la journée. Une histoire de Berlin depuis la réunification entre Colln et Berlin. L'architecture rococo du palais est bien plus intéressante que la collection proposée, plutôt banale. Par conséquent, on traîne pas, on nous attend à Hockstrasse pour une immersion dans l'histoire des évasions vers la RFA. Sur le chemin, on s'arrête à la Rote Rataus, l'ancienne mairie de Berlin-est, gigantesque vaisseau rouge trônant sur l'Alexanderplatz. L'ensemble est clinquant et sert encore pour certaines réceptions. 

On s'enfonce dans un réseau souterrain pour y découvrir les méthodes utilisées par celleux voulant fuir le régime après la fermeture de la frontière en août 1961. Avant cette date, la circulation entre les deux secteurs était libre. Mais la fuite des ressortissants est-allemands vers l'Ouest oblige la RDA a sévir. La frontière entre les deux Berlin se retrouve bloquée au petit matin du 13 août. Dès lors, celleux qui veulent la franchir doivent employer des méthodes plus contraignantes. 

Le métro ne s'arrête plus dans les stations est-allemandes mais il est encore possible de l'utiliser pour fuir le régime. Ralentissant lorsqu'il entre en gare, les candidats à l'évasion dégourdi·es peuvent actionner les poignées extérieures pour monter à l'intérieur. Par la suite, les égouts constituent un mode particulièrement prisé jusqu'au resserrement de la surveillance par l'armée. Cette méthode d'évasion sera remplacée par le forage de tunnels, beaucoup plus dangereux et aussi plus alléatoire. Les fausses directions sont courantes et obligent les apprentis ingénieurs à souvent rectifier le tir. Aussi, les périodes de forage peuvent s'étendre sur plusieurs semaines en fonction de la largeur de la rue à traverser. Il servira ensuite d'abri anti nucléaire en témoignent les lits et la  peinture phosphorescente des murs. 

La fin de l'après-midi est consacrée à la visite de l'ancien batiment de la Ministerium für Staatssicherheit (Stasi), la police politique, état dans l'Etat, qui oeuvrait d'une main de fer au respect de la doctrine et donc à la poursuite des opposant·es. C'est le dernier bastion des irréductibles du régime, celleux même qui freineront des quatre fers lorsque la RDA lachera un peu de lest sur ses admnistré·es au début des années 70. L'édifice est gigantesque, le mobilier est resté dans son jus et, en parcourant les salles des principaux dignitaires de l'institution, on a l'impression que ses occupant·es sont juste parti·es la veille. Au dehors, l'immeuble est massif, effrayant et sans fioriture, faisant partie d'un ensemble qui occupait tout un pâté du quartier de Magdalena. On décide de passer la dernière soirée dans Sheunenviertel.  

BO : They Sleep We Live - What Remains


Axe de l'Holocauste


Haus Schwartzenberg


Tomas Wiesbacher Haus


Tomas Wiesbacher Haus


Brandenburger Tor


Siegessäule


Mémorial de l'Holocauste


Mémorial de l'Holocauste


Stadtbibliotek


Alexanderplatz


Hackeshe Höfe


Haus Schwartzenberg


Haus Schwartzenberg


Haus Schwartzenberg




Galeries Lafayette (J. Nouvel)


Schlesisches Tor


East Side Gallery


Friedrichshain


Raw-Engelande


Rote Rathaus


Alexanderplatz


Horloge Urania


Shakelet (Musée Juif)


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