JOURNAL DE BOLIVIE - Solo Dios sabe mi destino (II)

16/07/2019 au 19/07/2019

L'aventure commence juste à la sortie de Tupiza. Un chemin de terre qui semble conduire nulle part mais qui va nous entraîner des centaines de kilomètres dans le parc naturel. On va y mettre le temps, des heures de chaos pour parvenir à une formidable concression créé par la pluie et le vent. Franol, notre guide, nous amène dans ses entrailles. Au-dessus de nos têtes, une centaine de mètres de roche avant de parvenir à un espace dont on ne voit même pas le plafond. On repart sur la route jusqu'au bivouac de Quetena Chico. 


Le ton est donné. Quatre jours de raid et de poussière, entassé.e.s dans une jeep surannée dans laquelle personne veut se mettre sur la dernière banquette, siège d'appoint qui nous obligerait à passer le trajet les genoux repliés sous le menton. Nos drivers Franol et Santucha mènent un train d'enfer car il faut s'enquiller au moins 300 bornes le premier jour. Les deux sont mari et femme. Lui est veuf, avec cinq enfants, a été mineur pendant 22 ans avant de donner un peu de répit à ses poumons bouffés par la saccharose. En Bolivie, les mineurs ont le droit de s'arrêter de bosser à 51 ans. Mais comme il n'y a quasiment pas de retraite, ils sont quand même obligés de continuer à travailler. Franol n'a pas attendu jusque là. Il a laissé tomber la pioche pour accompagner les touristes dans leurs raid vers Uyuni. De Santuchi, on ne saura pas grand chose. Plutôt taiseuse, on sait juste qu'elle a quatre enfants d'un premier mariage. Tous deux vont nous faire découvrir les richesses physiques et géologiques du secteur. 

Pequeña Italia


Sur les pistes du sud Lipez hante la présence du Soroch qui nous attrape le premier jour à plus de 4000 m d'altitude. Le mal de tête est sévère mais on serre les fesses devant le village inca totalement en ruine envahi par des viscachas qui glandouillent sur les blocs de pierre en essayant de se chauffer sur le dernier rayon de soleil du jour.

La démerde est de mise en général en Bolivie. Loin de toute civilisation, on en est presque à la survie. Les gens font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont pour apaiser la dureté du climat et de la nature. Les lamas fournissent viande et vêtements. Pour le reste, il faut l'amener avec soi. Je ne sais pas comment s'est démerdé Santucha pour refiler à bouffer à trois végétarien.n.e.s mais, apparemment, cela n'a jamais été un souci. 

Le repas du soir s'est déroulé dans une ambiance chaleureuse même si on a gardé les parkas pour bouffer. On rigole bien dans ce auvent glacial alimenté électriquement par le groupe électrogène qui ronronne derrière la porte. Mais la nuit a été rude. Planqué.e.s sous les draps et les couvertures on ne risque pas grand chose sauf lorsqu'il faut se lever cinq fois dans la nuit pour aller pisser par -10 aux chiottes qui se situent au fond de la cour. Comme le froid me pousse à me lever plusieurs fois, je me recouche habillé. Au matin Franol fait chauffer la voiture pendant que nous déjeunons. Une fois terminé, nous partons l'aider à charger les sacs sur le toit. 
Il est tôt mais déjà les premiers rayons du soleil réchauffent nos moumoutes. Un cahot d'enfer nous attend encore aujourd'hui et chacun.e de nous quatre cherche le meilleur moyen d'amortir les chocs. Par chance, c'est lorsque nous n'en pouvons plus que l'on s'arrête. Les paysages devant nous sont vertigineux, les montagnes incroyables et le parc d'Avaroa offre une multitude de décors : le canyon de l'anaconda, l'Italie, le volcan Licanpuru, des panoramas totalement indécents de beauté. Le soir, on dormira un peu plus au chaud dans une chambre aménagée dans une grotte. Des jeunes excursionnistes mettent le boxon dans la pièce d'à côté mais, vu la fatigue, ça ne nous dérange pas plus que ça. 
Au petit matin, on fait une petite visite du bled mais il n'y a pas grand monde dans les rues, mis à part les lamas cherchant on ne sait trop quoi. En observant les maisons, on se rend compte que peu de cheminées crachent de la fumée. En même temps, que brûler dans un coin où il n'y a même pas un tronc qui dépasse ? Les sanitaires semblent également être optionnelles si j'en juge par la mémé qui s'échappe rapidement dans les rares fourrés pour aller faire ses besoins au bord du maigre ruisseau qui dégèle un peu en journée. 



El cañon del condor

Bivouac au cañon del condor


El desierto de Dali
Aujourd'hui nous attend l'apothéose de cette expédition, le Salar. 12000 km² de sel, dont une partie exploitée par une compagnie allemande afin d'en extraire le lithium. Mais avant d'y arriver, on va atteindre le point culminant de notre raid. A 5000 mètres d'altitude soufflent les geysers du Sol de Mañana, qu'il est déconseillé d'approcher à cause des effluves sulfureuses qui peuvent monter à plusieurs dizaines de mètres. L'eau boueuse qui bouillonne dans le fond n'est pas vraiment ragoutante, mais le phénomène est incroyable à voir. 
A partir de là, on va redescendre et recommencer à respirer. On entre sur le Salar en plein soleil sur une piste également fréquentée par les zinzins du Paris-Dakar. Une première halte dans un ancien hôtel de sel qui est devenu musée pour l'occasion nous permet de mieux faire connaissance avec cette ancienne mer qui s'est retirée pour laisser place à une gigantesque étendue sèche qui va également servir de carrière aux rares maisons qu'on rencontrera. Un dernier arrêt au bistrot avant de reprendre la route pour notre bivouac du soir, à l'hôtel de sel en bordure du désert. L'endroit est somptueux, chaleureux. Un long couloir s'ouvre sur un dortoir de plusieurs chambres dans lequel on passera une nuit courte mais d'un profond sommeil. Auparavant on sera allé admirer le coucher de soleil et le lever de lune, un verre à la main. Pour ma part je finirai le toast sur la banquette arrière de la voiture, terrassé par un mal de bide qui ne me quittera qu'une fois au chaud.

Sol de mañana



   
20/07/2019

Le réveil est ultra matinal. Depuis qu'on est dans cette aventure, je ne me rappelle pas être parti aussi tôt. Mais il faut bien ça pour être à temps sur l'île d'Incahuasi pour assister au lever du soleil. Bon on sera pas seul.e.s, pour le romantisme on repassera, car à peu près une dizaine de bagnoles ont également eu la même idée. Le constat est sans appel : quand apparaît le soleil, on plisse tous les yeux. Mais il faut avouer que les premiers rayons sur les cactus redonnent un peu d'humanité à cette région hostile. Au retour à la voiture, un frichti nous attend sur une table de fortune. Caché.e.s dans l'ombre d'Incahuasi, on expédie le petit déjeuner pour filer dès qu'on peut vers la chaleur. La marche autour de l'ilot finit de nous réveiller et nous sommes fin prêts pour la dernière étape de notre périple dans le sud.

Incahuasi


Uyuni c'est la ville où tu vas passer sans t'arrêter. Avec ses airs de Nothing Gulch, elle n'offre pas de gros attraits, excepté le cimetière des trains. Un amoncellement de carcasses qui servent désormais de support de graffs à l'extérieur de la ville. En cheminant au milieu de ces chevaux de fer, on se demande comment ces trucs pouvaient rouler et trimbaler gens et marchandises d'un bout à l'autre de la Bolivie. Tout un symbole car le train ne semble pas trop faire partie des plans des gouvernements qui se sont succédé. Toutes les villes de Bolivie sont loin d'être reliées entre elles par ce moyen de locomotion largement supplanté par le bus ou même l'avion. De retour à la pension, nos yeux s'illuminent à la vue du radiateur qui trône fièrement dans notre chambre dont la fenêtre principale donne sur le couloir qui mène aux cabinets. Coup de bol on n'est pas beaucoup dans l'hôtel. Le gars de la réception nous propose de réserver un taxi pour nous amener à l'avion le lendemain. Jusque-là, nous sommes tranquilles pour partir à la découverte du bled. Nous rejoignons le centre-ville par l'avenue des martyrs de la révolution, aux fresques effectuées par les gamin.e.s de l'école toute proche. Je sais pas si c'est parce que nous avons passé quatre jours dans le froid et le confort spartiate, mais la ville nous apaise même s'il n'y a pas grand chose à voir. Les marchés succèdent les uns aux autres et seule une petite promenade avec des bancs toute mignonne offre un peu de calme et de repos. Ça suffit pour nous y caler et y prendre les derniers rayons de soleil de la journée qui ne va pas tarder à s'achever. On cherche toujours un chapeau pour Salomé et, coup de bol, on tombe sur un chapelier dans les alcôves du marché couvert. Le vieux gars au fond de la boutique est peu affable. On lui demande si on peut regarder les chapeaux posés sur des étagères sous un rideau transparent mais, apparemment, c'est non. On saura pas trop pourquoi. En échange il nous offre la démo d'un nettoyage au fer à repasser en direct live d'un beau chapeau-melon de femme. C'est assez étonnant à voir. Le soir on mange dans une pizzeria proche de la caserne militaire où l'on retrouve nos hôtes d'expédition, Charlotte et Hans.

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