JOURNAL DE BOLIVIE - Oh linda La Paz, ciudad del cielo ! (III)

20 juillet 2019.

À La Paz, on se fait littéralement aspirer dans un siphon. On arrive par El Alto pour plonger dans les entrailles d'une ville tentaculaire qui constitue un gigantesque marché de plein vent. El mercado de las brujas s'étend dans les rues du quartier (juif ?) au milieu duquel continuent à circuler les truffis qui klaxonnent comme des dingues. Pas mal d'attrape-touristes mais aussi des petites échoppes d'instruments de musique, churangos et flûtes en tête. A la limite d'El Alto un chapelier nous fournit enfin ce que l'on cherche pour Salomé depuis un petit moment. Mais c'est dans la boutique d'Ema que nous passerons notre fin de journée. Un fatras de tapis et de masques pendant au plafond, dans un local au fond duquel trône fièrement une grand-mère à l'affût des voleurs. De temps en temps une voisine vient s'enquérir d'elle et surveille le magasin pendant qu'elle discute avec nous.
A 88 ans passés, elle a survécu plus de trente ans à son mari décédé et a l'air fière de sa boutique. Le bandeau qu'on veut lui acheter pour enjoliver le chapeau acheté précédemment lui coute quasiment un mois de travail mais, étant donné la couleur passée de certains, il y a de bonnes chances qu'elle n'en ait pas fait depuis un moment. Peu importe, c'est elle qui se chargera de le coudre et de m'administrer un remède souverain contre le mal de tête, une peau de banane appliquée sur mon crâne, judicieusement dissimulée par mon bonnet que je garderai une bonne partie de la soirée.







22 juillet 2019
On a attendu le soleil un moment, il n'est jamais reparu. Pendant que Céline récupère, j'essaie de choper des billes pour truander sur les aires d'autoroutes. A côté une mémé étend son linge au balcon de cet incroyable hôtel qui s'ouvre sur la baie de Copacabana, sur le lac Titikaka. L'activité de l'établissement s'est incroyablement ralenti ce jour. Les vacances scolaires sont terminées et seuls quelques touristes se baladent sur la promenade en contrebas. Vu l'humidité, je pars en quête de couvertures. Le réceptionniste m'accompagne dans une chambre libérée, mais qui n'a pas été aérée depuis un moment étant donné l'odeur de tanière qui s'en dégage, en récupère quelques unes en boule sur le pieu et me refile ça tranquillou.

Hier, notre périple à Tihuanaco nous a replongé 1500 ans en arrière, à l'ère pré-inca, sur un site d'une richesse incroyable dont le point d'orgue est la statue de la pachamama de 7 mètres de hauteur qui a récemment réintégré ses pénates après avoir subi des décennies de pollution et servi de stand de tir à La Paz. Peu de monde sur le site qui n'a dévoilé qu'un faible pourcentage de sa surface, ce qui nous permet d'en profiter pleinement, uniquement dérangés deux fois par un guide tentant d'arrondir ses fins de mois en essayant de nous refiler un trilobite fossile qu'il a dû trouver dans le coin. Mais comme ça m'est déjà arrivé hier à La Paz, je me dis qu'il doit y avoir un filon ou un fabricant pas loin. Pour changer on mange en amoureux dans le froid d'un restaurant tout en sirotant une aloja. Le truffi qu'on attrape au retour fait un peu la gueule parce que nous sommes les seul.e.s client.e.s. Après avoir passé dix minutes à klaxonner pour voir si d'autres personnes étaient intéressées, on décolle vers La Paz toujours en klaxonnant dès qu'est aperçue une personne en train de marcher en bord de route. Sa patience finit par payer lorsqu'il voit au loin un groupe de six villageois, cheminant vers nous et qui acceptent de monter dans son véhicule. 




23 juillet 2019

Dernière journée à La Paz. On a pris le bus assez tôt ce matin de Copacabana. Rester davantage n'aurait pas servi à grand chose. Un vent de dingue clouait tout au sol et le lac Titikaka avait pris des allures de mer en furie. Hier on a pris le bateau pour la isla del sol. On embarque en compagnie d'une classe et le petit voyage de deux heures promet d'être sympa puisque qu'après on doit aller visiter un temple inca et des îles flottantes. Manque de bol, une incompréhension avec le bateau nous clouera sur l'île et nous forcera à repartir vers le continent plus tôt que prévu. On a été accueilli par une rangée d'artisans locaux sur l'accès au village qui compte presque plus d'hôtels que de maisons particulières. Mais les chemins muletiers que l'on emprunte pour en faire le tour sont mignons comme tout. On longe une école où les enfants sont en train de déclamer un texte et on s'arrête manger dans un petit restau tranquille avec une vue idyllique sur le Titikaka. Le retour a été agité, remués que nous étions dans un bateau old school qui aura mis deux heures là où l'aller nous avait seulement pris 1h30. On profite de la fin de journée pour une balade vers le haut du village que l'on ne connaît pas. L'ensemble ecclésial est monumental, le parvis gigantesque et il faut bien ça pour la cérémonie de bénédiction des bagnoles qui a lieu tous les matins. 
De retour à La Paz, on s'arrête un moment au cimetière pour voir les graffs de street-artists locaux. Beaucoup sont à base de tête de mort ce qui est cohérent avec l'endroit qui, aujourd'hui, est gavé de monde car le mercredi est jour d'enterrement en Bolivie. Au moins trois s'entrechoquent dans les ruelles du cimetière où certaines familles profitent de cette belle journée pour venir trinquer avec leurs morts. En descendant on s'embrouille avec une vendeuse de t-shirts qui ne veut pas qu'on touche à sa marchandise. On profitera de la balade pour faire refaire des clefs d'appartement qui nous coûterons même pas dix balles quand une seule en France nous en aurait délesté de 80. 

26 juillet 2019

Une petite heure de retard pour le vol La Paz-Cochabamba mais rien de grave. En raison de l'éruption volcanique au Pérou, la ville a été dans la brume pendant un moment. A l'arrivée nous sommes pris en charge par Ruth qui nous tournait autour depuis un moment. Nostalgique du français qu'elle a appris à l'université, elle s'emploie à nous accompagner au marché de Calatayud, gigantesque espace où tout se vend et tout s'achète du slibard à l'évier. On s'arrête au retour au couvent de Santa Teresa, dédié à l'ordre des Carmélites avant de repartir explorer le marché. Un italien émigré depuis dix ans nous offre de déguster des yaourts qu'il fabrique lui-même. Le gars est arrivé avec une mission évangélique et n'est jamais reparti. Son stand est un succès car sa marchandise est atomisée en quelques heures. Le marché est labyrinthique à tel point que je me demande encore comment on a fait pour en sortir. Nous échouons le soir dans un petit bistrot pas loin de la chambre. Sur les murs, des photos de stars de passage dans le coin et dans l'échoppe. Parmi elles, Atrocity, groupe de grindcore avec qui j'avais joué dans les années 1990.

27 juillet 2019

C'est presque l'heure de réintégrer nos pénates. Santa Cruz nous attend pour un dernier après-midi et une dernière soirée en Bolivie. La ville a l'air plus paisible que quand nous l'avons quitté. La place centrale prend des allures bourgeoises où tout le monde se fait photographier devant la cathédrale. On refait un petit tour du quartier, essayant d'attraper un bout de vie par ci, par là, acheter les derniers cadeaux pour les filles et les parents. Le petit déjeuner se déroule au milieu d'une myriade de gamin.e.s, en colonie dans le coin. On discute une dernière fois avec Alicia, notre hôte de Santa Cruz, avant de s'engouffrer dans le taxi qui nous attend devant la porte, direction Viru-Viru.

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