Shooters # 18

Ellis ne pouvait réellement pas refaire à l'infini Moins que Zéro ou American Psycho et parler des bitures à suite amnésique à 50 balais ne servirait à rien d'autre qu'à essayer de passer pour un de ces personnages qui tentent de camoufler leur calvitie en rabattant dessus les trois poils qu'il leur reste sur les côtés. On ne peut y échapper et, l'âge aidant, il devient impossible de ne pas s'immerger dans le marasme existentiel. Lunar Park c'est un peu le recueil des questions de la middle age crisis et Ellis, comme n'importe quel autre pinpin, se sent obligé de chercher les réponses, notamment quand il s'agit de dénouer tout ce qui tourne autour de la paternité et la filiation. On sait pas trop où se situe la limite entre réalité et fiction, ce qui constitue les souvenirs ou les affabulations, mais le fait de savoir que le personnage essaie de composer avec ses failles fait de Lunar Park un ouvrage à part, plus inhibé et complexé que d'habitude, et de fait, plus touchant.
Le thème du Nœud de vipères de Mauriac n'est peut-être pas aussi éloigné non plus. Au crépuscule de sa vie, un vieil homme essaie d'en démêler l'écheveau, sa relation avec sa femme qu'il n'a jamais aimée - elle non plus d'ailleurs, lui échafaudant une entourloupe pour priver les siens de son héritage pendant que ces derniers tentent de le récupérer. Mauriac poursuit son immersion dans les vieilles familles bourgeoises françaises, démontrant qu'elles ne valent pas mieux que les autres. On savait déjà que c'était sordide, mais ça confirme. 
Dans le dyptique Un spécimen transparent et Voyage vers les étoiles, on retrouve Yoshimura dans son registre favori, le seul à pouvoir traiter le macabre de manière romantique. Kenshiro n'a qu'une obsession : trouver le cadavre idéal qui lui permettra d'atteindre le point d'orgue de son oeuvre de désarticuleur, un squelette quasi transparent. Pour cela il doit marcher sur la pointe des pieds, cacher son activité à sa femme et sa belle-fille pour en même temps tanner le directeur de l’hôpital afin qu'il lui fournisse de la chair fraîche et pas des spécimens avariés. On pense sans problème à La jeune fille suppliciée sur l'étagère et sa lecture offre moins de suspens quand on connait déjà un peu le fonctionnement de l'auteur. Même si on s'en doute, la fin vaut le coup. Plus légère la seconde nouvelle dans laquelle un groupe de personnes part sur les routes avec un objectif, celui de se jeter du haut de la falaise pour rejoindre les étoiles. 

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