Uranus - Marcel Aymé (1948)

Au cœur d'une ville moyenne, Blémont, les journées sont rythmées par les dénonciations des collabos par ceux qui ont retournés leur veste à temps, par intérêt, vengeance, méchanceté simplement. Au milieu Archambaud, plutôt fidèle au maréchal, n'a pas eu le choix lorsqu'il a fallu accueillir le chef de la  section locale du PC Gaigneux, dont la maison a été détruite lors des bombardements. Avec eux, le professeur Watrin apporte un zeste de poésie, mêlé de fatalisme, apparaissant même comme la seule personne sensée d'un monde sur la corde raide. Tous s'emploient dans leur domaine a essayer de survivre dans une société qui leur échappe totalement et dont il faut s’accommoder.
On pourrait croire que Marcel Aymé règle des comptes dans ce portrait de la France d'après guerre qu'il décrit avec une précision d'orfèvre. Il aura pourtant pas trop été emmerdé durant l'Occupation, s'étant arrangé pour ne froisser personne, frayant d'un côté avec les communistes, de l'autre en fournissant quelques articles à des journaux collaborationnistes. Ni après d'ailleurs, lorsqu'il signera une pétition pour demander la grâce de Robert Brasillach en compagnie d'Albert Camus. Alors, butineur ou franc-tireur ? Certainement un peu des deux et rien ne permettra de lever l’ambiguïté. Malgré ça, Uranus est une oeuvre d'une force cynique et d'un réalisme certain, revenant sur une des périodes noires de la France du XX° siècle dont Aymé a bien cerné les contours. Quoiqu'on en pense, le pèlerin a atteint son objectif. Avec sa gouaille et sous des dehors bonhomme, il arrive à instiller un mal-être, un sale goût dans l'arrière-gorge, en raison de son constat sur la nature humaine. L'Homme est l'animal qui s'adapte le mieux à son environnement et l'hypocrisie peut être son moteur essentiel. Bon, c'est pas une découverte, mais ça confirme.

Commentaires