Un enfant de Dieu - Cormac McCarthy (1973)

On n'ira pas jusqu'à lui donner les circonstances atténuantes mais c'est vrai qu'être viré de ses terres comme un malpropre, traité comme un quichon chaque fois qu'il ouvre la bouche n'a pas aidé Lester Ballard à s'insérer dans la société. Ajouté à cela la forte propension à la consanguinité qui hante le comté de Sevier dans les années 30 et les relations inter communautaires plus que tendues, vous avez un petit aperçu de l'ambiance qui règne dans un secteur où les loisirs en dehors du lynchage ne sont pas légion. Abandonné de tous, livré à lui-même Lester Ballard erre de bicoques en terriers de lapins, vivant de rapines et de chasse. Mais sa vie sentimentale est au point mort. Aussi lorsqu'il trouve une fille dans une bagnole qui ne rechigne pas à son contact, et pour cause elle est morte, il ne fait pas la fine bouche. Dès lors la machine morbide s'enclenche.
Avec Un enfant de Dieu, McCarthy clôt la série sordide entamée quelques années plus tôt avec Le gardien du verger. Une plongée au plus noir de l'âme humaine, où les codes ne sont même plus ceux de l'animal, mais ceux d'êtres ayant abandonné toute notion de Bien et de Mal, parfois ne les ayant même jamais connu. Mais McCarthy n'est pas là pour jouer les moralisateurs, encore moins les prêcheurs. A la manière d'un Faulkner, il observe, décrit comme si le trip meurtrier de Ballard était la normalité. Ça l'est en partie car, derrière ces abjections, il y a l'homme dans toute sa noirceur, capable du meilleur comme du pire, des êtres, même les détraqués comme Ballard, que Dieu ramènera dans son giron à l'heure du trépas. Peut-être le meilleur de McCarthy.

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