La sagesse dans le sang - Flannery O'Connor (1952)

Flannery O'Connor n'aime pas trop que l'on se foute de la gueule de son Jésus. Et quand elle prend la plume pour le défendre, pour dénoncer les dérives qu'elle découvre chez ses concitoyens, elle en fait des copeaux tant on la sent en colère derrière ses bézigles. Dans son premier roman, La sagesse dans le sang, ce sont les prédicateurs qui en font les frais (à lire à ce sujet l'excellente préface de Coindreau). Et si elle s'incarne dans la peau de l'athée Hazel Motes c'est pour mieux en démontrer les agissements. Pour O'Connor, la religion est une affaire sérieuse et ne doit pas être une simple pantomime, un instrument pour essayer de rameuter les moins biens armés intellectuellement. C'est l'époque où émergent de partout aux States ces nouveaux évangélisateurs free-lance, certains sincères, d'autres beaucoup moins, parcourant le pays à la recherche de crédules à pigeonner pour le meilleur et pour le pire. La rencontre du désœuvré Motes avec Hawks, prédicateur aveugle accompagnée de sa fille, Sabbath, incarnation féminine de Lazarillo de Tormes, changera sa vie et sa destinée. Par réaction envers ce qu'il considère être un imposteur mais tenaillé également par la chair, il se lance aussi dans la prédication, la sienne, celle de l'église du Christ sans Christ, n'hésitant pas à buter celui ou celle qui se trouvera en travers de son chemin. En mettant en scène un athée, la fille de Savannah pousse jusqu'au boutisme le phénomène de la prédication, le tourne en dérision dans une écriture revigorante et fraiche, en dénonce l'absurdité et parfois les contradictions, comme celle de prêcher pour une église qui justement doit la rejeter. Peut-être aussi parce que derrière tout ce paravent, le fait de croire ou de ne pas croire appartient à nous seuls, et que chacun détient la vérité qui lui permettra de vivre ou de survivre, avec ou sans l'aide d'une divinité.

Commentaires