Hannah Arendt - Eichmann à Jerusalem, Rapport sur la banalité du mal (1966)

Buenos Aires 1960. Arrestation de Ricardo Klemente par les services secrets israéliens. Plus connu sous le nom d'Adolf Eichmann, il est responsable avec Heydrich de la partie technique de la déportation des juifs vers les camps d'extermination à partir de son bureau du RSHA. Jugé et pendu en 1962 à Jérusalem. C'est Hannah Arendt qui suit la procédure pour le New Yorker. Philosophe allemande, élève de Karl Jaspers, élève et amie très proche de Heidegger (un temps adhérent au parti nazi), elle s'emploiera à décortiquer la mentalité et la psychologie d'Eichmann durant ce procès, mais aussi à partir des dépositions faites devant la police. Arendt tente de comprendre le fonctionnement d'un homme, mentalement pas plus atteint qu'un autre, happé par la machine nazie et qui appliquera à la lettre le programme de destruction des juifs proclamé lors de la conférence de Wannsee.

Ce qui apparaît de monstrueux dans le regard de Arendt est justement cette banalité sourdant de la personnalité de Eichmann. Personne pas spécialement antisémite (sa belle-famille a des ascendances juives), du moins au début, presque opposé à l'idée de son extermination - il est l'initiateur du projet Madagascar qui prévoyait le déplacement de tous les juifs d'Europe sur l'île, il est uniquement préoccupé par son ascension sociale et de là découle son engagement dans la SS. Son obsession, un travail consciencieux qui le fera bien voir de ses supérieurs. Jusqu'au bout, Eichmann aura l'intime conviction d'avoir agi comme il le fallait (comme Rudolf Höss, commandant du camp d’Auschwitz dans La mort est mon métier de Robert Merle, à lire absolument) d'où sa quasi-totale coopération avec les services secrets israéliens après sa capture.

Ce refus de la part d'Arendt de voir en Eichmann une personne à part de l'espèce humaine, les questions soulevées durant le procès ("pourquoi les juifs ne se sont-ils pas défendus ?"), la participation des juifs à leur propre destruction dans le cadre des judenrat (conseils juifs), ainsi que la légitimité d'Israël à se substituer à toute juridiction supranationale, allant même jusqu'à refuser l'extradition vers l'Allemagne, après l'arrestation d'Eichmann par le Mossad, lui vaudront d'être la cible de sévères critiques.

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