Le silence de l'amer #12 - Le journal des élections

C'est reparti. Bon, on va être sympa, on va faire comme si cela n'avait jamais existé, comme si on les avait pas prévenu, comme si nos mobilisations régulières depuis l'assassinat de Clément, celui de Federico, Alcindo pour dénoncer le péril fasciste, n'avaient pour seul but que de nous retrouver dans un espace safe, rassurant. On va fermer les yeux et les oreilles sur ce qu'on nous a opposé depuis tout ce temps, que l'on confondait tout, que le vote RN c'était pas du fascisme, que c'était juste de la colère. Et tant pis si les partis de gouvernement et les gouvernements successifs n'ont eu de cesse de concéder de plus en plus de place et de légitimité aux thématiques développées par l'extrême droite. Comme si intégrer une partie de son programme allait l'éliminer...

Deux ans après les élections présidentielles qui avaient vu arriver le Rassemblement national au second tour, on y revient. Des élections dont, apparemment tout le monde se foutait, deviennent soudainement le point central de nos intérêts un mois avant de chausser les tongs et de partir pour la plage. Pourtant tous les voyants pré-électoraux étaient au rouge, on pressentait la catastrophe arriver mais, comme toujours, on a préfèré attendre qu'elle survienne, pensant que les élections était l'unique moyen d'influer sur la politique dans ce pays. C'est en partie vrai car le système représentatif ne nous permet pas autre chose. Mais la normalisation étant un phénomène inter électoral, ne pas sentir venir la possibilité d'un fascisme au milieu des lois immigration, des lois policières, de la répression syndicale, distillé par le gouvernement et relayé par des chaines de télévision qui ne cachent plus leur jeu et leur penchant, témoigne à tout le moins d'une paresse intellectuelle ou, pire, d'un aveuglement aussi effrayant que dangereux.

Bref, depuis dimanche c'est la fête du slip dans tous les état-majors électoraux. Macron a fait des siennes en dissolvant l'assemblée nationale, provoquant des élections législatives anticipées. Des mois de Gilets jaunes, de manifs contre les retraites ont échoué quand le simple mauvais résultat d'une élection ne nous concernant pas directement a réussi ou offert le prétexte qu'il attendait depuis longtemps. Celui de torpiller ce parlement qui n'arrête pas de lui chier dans les bottes depuis sa réelection. Et, en plus, cela risque même de redorer son blason auprès d'administré·es qui l'exècrent, se posant en dépositaire des modes d'expression de la République, cédant devant la voix des urnes, tenant bon face à la fureur de la rue. Le pari est osé mais, stratégiquement, c'est peut-être bien joué.  

Pendant ce temps, Bardella se voit déjà premier ministre, Ciotti avec ses faux-airs de petit-fils de Himmler se voit déjà le doubler sur le poteau et embringue LR dans une union avec le RN que même Wauquiez ou Lemaire, déjà bien à droite sur l'échiquier politique, trouvent un peu too much. A gauche, on nous rejoue le refrain du Front populaire avec le PS, qui passe son temps électoral à flinguer tous nos espoirs de justice sociale mais se pose quand même en rassembleur et en tête de pont antifasciste. Alors l'idée n'est pas d'attendre quoi que ce soit d'une victoire des forces progressistes, ça fait longtemps qu'on n'y croit plus. Mais, involontairement, Macron nous fournit l'occasion, depuis presque dix années qu'il nous tabasse, d'avoir un peu de répit si, par hasard, une vague union de gauche pouvait sortir vainqueur des urnes. Sincièrement on a accumulé tellement de défaites sur le plan militant qu'une petite respiration sociale serait la bienvenue, aussi tiède soit-elle. Dans le cas contraire, on crachera du sang.

BO : Catharsis - Arsonist's Prayer

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