Voyage au bout de l'abject - Patrick Lepetit (2017)

Rien qu'au titre, le ton est donné. On ne lui en voudra pas, Céline ayant très bien démontré que ses écrits et le personnage étaient largement en phase avec ce type de qualificatif. Alors que peut bien apporter un tel ouvrage à la réputation déjà sulfureuse de l'écrivain ? Tout simplement tenter de contrer la tendance actuelle à la décomplexion des idées nauséabondes que nos chers politiciens ont contribué à remettre en haut de l'affiche par des moyens, certes, détournés et sans avoir l'air d'y toucher (cf. Sarkozy, Valls, Wauquiez...), mais qui ne trompent personne. 

Dans un texte parfois alourdi par les nombreuses citations, Lepetit s'emploie à démontrer point par point le caractère antisémite et xénophobe des pamphlets écrits entre 1936 et 1941 (Les beaux-draps, Bagatelles pour un massacre, L'école des cadavres) dont une certaine partie de l'intelligentsia française souhaite minimiser l'importance et la portée, tentant même de réhabiliter le personnage malgré l'évidence et sa relative complaisance à l'égard des nazis pendant l'Occupation. L'enjeu est de taille : l'absolution officielle de Céline signerait de facto sinon la légitimité des thèses antisémites, du moins pourrait agrandir la brèche dans laquelle risqueraient de s'engouffrer d'autres décomplexés ou en passe de le devenir. Voyage au bout de l'abject ne fait que confirmer ce que l'on savait déjà. Le bouquin n'en reste pas moins essentiel car le combat est loin d'être terminé.

Pour l'acquérir : Atelier de création libertaire.