Un long dimanche de fiançailles - Sébastien Japrisot (1991)

Tina et Mathilde ont en commun la volonté de retrouver leur être aimé disparu dans un no man's land d'Argonne en 1917. Au front à cette période, c'est l'époque des mutineries et des mutilations volontaires, des soldats physiquement et moralement exténués qui tentent leur chance de revenir vers l'arrière par tous les moyens, là où il fait chaud, où la piqûre des poux est remplacée par la douceur des infirmières. Ange et Manech sont de ceux-là. Pour leur faire payer leur défaitisme et leur désertion, l'état-major a trouvé une alternative au peloton d'exécution : les envoyer au-devant des balles allemandes. D'après certaines sources, ils n'en sont pas revenues. Mais Tina et Mathilde sont persévérantes. A leur manière elles vont continuer leur quête, jusqu'à découvrir la vérité.
Japrisot n'a pas écrit ce bouquin pour tenter de réhabiliter les mutinés. Ni faire le procès des militaires qui ont envoyé des centaines de milliers d'hommes à l'abattoir. Un long dimanche de fiançailles est avant tout le roman des femmes qui vivaient dans la peur à l’arrière dans l'attente de recevoir un avis de l'armée les informant que l'homme de leur vie s'est fait dézinguer. Une attente faite de passions, de peur, enfouies sous une bonne dose de vie quotidienne. Parfois le quotidien parvient à les submerger et certaines s'y abandonnent totalement. Pas Mathilde qui n'a pas oublié Manech qui l'emmenait nager au lac de Capbreton, petite fille qui ne pouvait plus se servir de ses jambes après une chute d'un escabot. Lui était là, attentif, attentionné, précautionneux. Un roman plein de tendresse, de poésie mais aussi de colère rentrée, comme celle qui suit les morts absurdes, mais surtout les morts injustes, du moins celles qui le sont plus que d'autres.

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