La malédiction du gitan - Harry Crews (1974)

Pour Crews ce n'est pas suffisant de mettre en scène la lie de la terre dans ses bouquins. L'être humain est là pour en chier et doit en plus de sa connerie supporter d'être au moins infirme. Sinon c'est pas drôle. Marvin Mollar est né sans jambes. Comme si c'était pas assez, il est devenu, par la suite, sourd et muet. Abandonné par ses parents il est recueilli par Al Mollarski, tenancier d'un boxing club qui l'élève et lui donne son nom, enfin une partie. Pour compenser son handicap, Marvin fait le cake, épate la galerie grâce à des bras monstrueux sur lesquels il s'appuie pour des démos. Mais, tout difforme qu'il est, il succombe à la malédiction du gitan et fout le rifle au club dès qu'il ramène Hester, bombe aux jambes interminables qui se fait jeter de la maison de ses parents. La salle d'entraînement devient alors une usine à gaz, Al, Pete et Leroy voient leur petite vie chamboulée, Hester parvenant à leur redonner sinon un peu de dignité, du moins l'envie de finir en apothéose. 
Avec La malédiction du gitan, Crews poursuit sa visite des bas-fonds. Peu lui importe les élucubrations métaphysiques, ce qui l'intéresse, c'est la vie de ceux qui ne sont rien, ou du moins pas grand-chose, ceux dont l'horizon est bouché, ceux qui n'ont pas la volonté de s'inventer un avenir et qui se contentent de ce qu'ils ont. Alors, comme il est magnanime et serviable il leur en créé un à leur juste mesure, en y mettant sa fantaisie, son ironie, son humour, pour qu'ils puissent se retirer en triomphe, comme les taureaux sacrifiés dans l'arène. Peut-être pas si magnanime que ça le père Crews finalement mais suffisamment pour que l'on décèle derrière cet étalage de mauvais goût outre une part de cynisme, une réelle tendresse.

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