Demande à la poussière - John Fante (1939)

Attention, chef d’œuvre de la littérature US et ce n'est pas Bukowski qui me contredira tant il aura laissé couler son sang sur ces pages. Demande à la poussière cumule l'ivresse des vapeurs d'alcools et celle de la passion amoureuse, celle de Bandini pour Camilla, belle mexicaine serveuse dans une cafétéria de Bunker Hill un peu comme on en trouve dans les épisodes de Columbo, un comptoir long comme une piste de décollage, parallèle à une vitre donnant sur le parking, éclairé de néons blafards qui nécessitent une grande imagination pour rendre le lieu poétique ou sensuel. Mais la sensualité, la poésie et la passion ce sont les gens qui la font, l'histoire d'amour entre l'écrivain Bandini et sa mexicaine, tour à tour talentueux, écorché-vif, fauché, riche et prétentieux au point de la traiter de métèque...Lui, le fils d'immigré italien, éclopé des relations humaines qui finalement s'y prend comme un manche et cherchera, après l'avoir éconduit, une planche de salut chez Vera, quadra malheureuse en quête d'un mec qui la prendra dans ses bras pour lui dire qu'elle est toujours belle... Fante taille dans le gras et va directement à l'essentiel, s'incrustant chez ceux pour qui le lendemain est loin d'être acquis, chez ceux pour qui l'avenir est incertain. Un seul objectif : vivre les minutes à 100 à l'heure avant qu'elles nous échappent au détour d'une bouteille ou d'un joint, rêver une vie parce que celle qui est imposée à la petite semaine ne rend pas enthousiaste avant de tout envoyer balader dans un nuage de sable. Avec Demande à la poussière, Fante signe ici les plus belles lignes de son œuvre, un style aux contours rudes sans être orduriers, annonciateur des Bukowski, Harrison et autres. "Desserre tes doigts fins et rends-moi mon âme lasse ! Embrasse-moi sur la bouche que je me rassasie du pain d'une colline mexicaine. Souffle le parfum des cités perdues dans mes narines enfiévrées et laisse-moi mourir ici, la main sur la douceur de ta gorge, blanche comme une plage du sud à moitié oubliée. Viens puiser le désir dans ces yeux malades et jette-le aux moineaux solitaires, dans quelque champs de maïs...".

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