La foire aux serpents - Harry Crews (1994)

Tu fais un vœu dans une main, tu chies dans l'autre et tu regardes laquelle se remplit le plus vite. La vie de Joe Lon n'est peut-être pas ce qu'il espérait, sûrement pas même. Ayant épousé par défaut Elfie alors qu'il s'était fait plus ou moins largué par Bérénice, conçu deux marmots avec elle, la vie s'écoule, monotone, sous la chaleur de Géorgie, entre son bistrot et les combats de chien de son père, la maladie de sa sœur, bloquée au lit devant la TV on ne saura jamais pourquoi. Elle s'écoule donc et Joe Lon s'en accommode. La tenue de la foire aux serpents dont il fait partie de l'organisation va chambouler pas mal de choses.
Harry Crews n'est ni McInerney ni Ellis. Il se fout des états d'âmes de la société bobo new yorkaise ou californienne. Lui, ce qui l’intéresse ce sont les rednecks, les beaufs de l'Alabama, ceux de la campagne, ceux qu'on n'aura pas envie de sauver. La foire aux serpents est le portrait exacerbé d'une société aussi corrompue qu'ailleurs, d'êtres laminés par la vie, l’expérience, qui se fout des codes moraux, de la supposée bien-pensance de la ville. Difficile alors de se laisser attendrir par les protagonistes. Entre le shérif du canton qui a laissé une jambe au Vietnam et qui se sert d'un crotale pour violer la soeur de Georges qui bosse avec Joe Lon, Willard le footballeur talentueux mais con comme un balai, Elfie soumise à son mari, on ne peut espérer qu'une chose c'est que tout finisse mal pour eux et qu'il n'en reste rien. Un des meilleurs de Crews.

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