William Faulkner - Le bruit et la fureur (1929)

Ni plus ni moins qu'une histoire de famille. Mais une famille où les tensions sont permanentes, où pas mal de choses reposent sur des non-dits, où les secrets sont à demi-dévoilés quand ils ne restent pas complètement enfouis sous une pile de linge de maison. Le bruit et la fureur c'est quelque part dans un état du sud des USA juste avant la dépression de 1929, une confédération qui peine à opérer sa mue, qui jure vouloir être le pays de la liberté mais qui entretient toujours avec ses ressortissants de couleur un rapport dominant/dominé. Du bruit et de la fureur donc, dans l'histoire mais également dans l'écriture. Faulkner écrit comme il respire, aussi à l'aise dans la conscience de l'esprit tourmenté de Benjy, attardé mental assailli de pulsions permanentes, que derrière le pragmatisme de Jason dont la vie consiste à pourrir celle de sa nièce et par prolongement celle de sa famille. Quatre narrateurs, quatre épisodes se déroulant sur 18 années, compilées de manière non chronologique, vus à travers l'oeil d’un personnage différent, nous obligeant à nous adapter à un système de pensée, un caractère, une expression orale. Faulkner joue avec nous, nous imposant un wagon de personnages dont il est presque inutile de tenter de définir l'organigramme, où l'on apprend que Benjy s'appelle en fait Maury mais que, pour éviter d'offenser l'oncle Maury, on évite d'appeler comme ça, que deux personnages portent le même prénom. Faulkner aime bien s'emmerder et nous emmerder mais il ne tient qu'à nous de ne pas tomber dans le piège tendu. Mieux vaut se laisser porter par son phrasé, tantôt langoureux, tantôt tumultueux, chargé de cut up efficaces pour tenter de décrire l'angoisse de Quentin. La traduction de Coindreau prend le parti de ne pas distinguer le parler entre familles noire et blanche comme cela a pu être le cas lors d'éditions précédentes (ne me demandez pas lesquelles), ce qui a le don de ne pas rendre la lecture plus difficile qu'elle ne l'est déjà mais qui, en revanche, n'aide pas à relier les personnages entre eux. Incontournable.

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