Contes de la folie ordinaire, d'après Charles Bukowski

Adapter Bukowski peut vraiment s'avérer casse-gueule. Tout simplement parce que le texte est unique, que Hank l'est tout autant, que l'on peut rapidement tomber dans l'interprétation ordurière comme rester dans le navet si par malheur on est trop prudent. Le tout c'est l'équilibre. Et amalgamer ces contes pour n'en faire qu'un n'est pas chose aisée. La preuve avec cette performance de la compagnie Ombres et Visages. Une adaptation tournant autour de quelques nouvelles du recueil. Comme toujours la réalité n'est jamais loin et si Bukowski parle si bien des choses, si elles apparaissent si tangibles c'est qu'il en a fait l'expérience. La mise en scène minimaliste de Stéphane Battle est centrée autour de l'écrivain, évidemment, appelé Bukowski et pas Chinaski et c'est un peu comme si ce qui se déroulait sous nos yeux était son imaginaire, la matière dont il va se servir pour écrire sa prose. Techniquement, tout tourne autour du rapport de l'écrivain avec la censure, celle du fanzine underground Open Pussy dans lequel il doit sortir un texte. On s'apercevra avec le temps que l'écrivain n'est pas si facile à cerner que ça, personnage assez complexe arrivant là où on ne l'attend pas, le représentant de l'état en fera l'amère constatation et se mettra à douter de ses propres certitudes. Derrière la prose de Bukowski, on a quelqu'un qui, finalement, se sert de son écriture pour exorciser un mal-être acquis, infini, un être ayant totalement abdiqué, transpercé de vérités sur le mal de vivre avec les siens, mais à qui il reste peut-être un peu de sentiment. Et c'est là où se situe tout son génie. A dégueuler sur tout ce qui l'entoure mais à s'en accommoder. Mais restituer ça n'est pas donné à tout le monde. Samaël fait ce qu'il peut avec ce qu'il a retiré des nouvelles, s'en sortant plutôt bien avec son rôle, du moins lors des premières minutes de la pièce, lorsqu'il campe ce personnage torturé déclamant le texte des Douze singes volants qui ne sont jamais arrivés à baiser. La suite ne sera pas du même acabit, on tombe rapidement dans un train-train politiquement correct, où tout rentre dans le rang, à milles lieues de cette folie que cette pièce était censée retranscrire, où même le personnage de Hyans, le proprio de la revue, apparaît le plus dérangé. Un projet ambitieux mais un résultat vraiment trop tiède. 

Adaptation :  Chris Samaël
Mise en scène : Stéphane Batlle
avec : Chris Samaël, Cyriel Tardivel, Olivier Guilon, Stéphane Mériodeau
du 13 au 29 septembre 2012, Grenier Théâtre, Toulouse.

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