Le Moine - Matthew G. Lewis (1795)

Ambrosio c'est la star de Madrid. Orateur hors pair, moine intègre, il est celui devant lequel se pâment les nanas et baissent les yeux les mecs lorsqu'il se matérialise. Celui à qui tout réussit, celui que l'on vient consulter quand on a bobo à l'âme ou dans son petit cœur. L'équivalent d'un golden boy doublé d'un psychologue quoi. Inflexible aussi lorsque la moniale Agnès vient lui avouer que son amoureux est venu la visiter en cachette et que la graine qu'il a déposée risque de bourgeonner. Il l'est moins lorsque Mathilde lui avoue son amour et qu'elle est prête à se donner à lui. Sa foi s'ébrèche, se fissure, craque pour finalement gésir à ses pieds à côté de son slibard. 
Classique du roman gothique, Le Moine avait de quoi perturber lors de sa parution et ce même si les anglais à cette époque étaient déjà désalés depuis le schisme d'Henry VIII et les coquins qui lui ont succédé. Un ecclésiastique, un homme de Dieu rapidement ébranlé dans sa chasteté par une apparition, n'hésitant pas à pactiser avec le diable pour arriver à ses fins, ça pouvait donner des idées et sonner le glas de la toute puissance divine, garde-fou pour maintenir le peuple dans l'ignorance et l'obscurité. Mais Lewis ne va pas jusqu'à faire de son Moine un pamphlet anti-religieux, la fin l'atteste. Ce qui l'intéresse c'est la part d'humanité qui peut se cacher chez Ambrosio, chez un homme en apparence sûr de lui et de ses convictions, mais ne se faisant pas prier pour extérioriser cette partie comprimée par des règles en totale opposition avec sa nature véritable. Lewis réussit à conserver un certain équilibre entre pudeur et violence faisant du Moine un roman passionnel qui se dévore assez facilement.

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