Le gardien du verger - Cormac Mc Carthy (1965)

Faut pas croire que le mal se trouve toujours là où on le croit. Et la campagne de Knoxville est loin d'être un paradis luxuriant où chantent les grillons le soir venu pendant que les vieux prennent le frais sur les balancelles des maisons. En fait de mélopées ce sont surtout celles des serpents à sonnettes qui résonnent et des anges de la mort qui frappent quand on s'y attend le moins. Marion Sylder n'a pas eu le choix. Lui n'est pas un tueur mais il le devient quand il évite le cric que lui balance à la gueule Kenneth Rattner qu'il a trouvé dans sa bagnole au retour des toilettes d'une station-service. Il jettera le corps dans un ruisseau. Le fils de Rattner, John Wesley, se liera d'amitié avec Sylder un jour où celui-ci atterrira dans une rivière après un accident de la route. Manière de boucler la boucle. Le hasard en littérature fait décidément bien les choses.
Premier roman de Mc Carthy, l'écrivain posait les bases d'un monde rude, proche de Faulkner ou de Giono, où les personnages sont avares de paroles et où les sentiments ne sont pas très démonstratifs. Il faut les attraper au vol, dans un mot, un geste, un regard, une caresse. Le gardien du verger ce sont des destins qui se croisent, parfois sans jamais se toucher, des noms à peine murmurés au détour d'une phrase, à tel point qu'il est possible de lire trois pages avant de se rendre compte finalement que le personnage décrit n'est pas celui auquel on pensait. Mc Carthy n'a pas la volonté de brouiller les pistes mais il est à l'image de ce qu'il décrit, un monde pragmatique où finalement ce qui compte ce n'est pas ce que l'on est mais ce que l'on fait. 

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