Nouvelles - J.D. Salinger (1953)

C'est vrai que Salinger n'a pas la gravité et la puissance ténébreuse d'un Faulkner ou d'un McCarthy. C'est vrai que là où l'un parle de lente descente vers la mort (Tandis que j'agonise), l'autre de la manière de se débarrasser du rejeton d'un frère et de sa sœur (L'obscurité du dehors), les états d'âmes des héros de Salinger peuvent paraître futiles et proches d'adolescents accros au biactol. Et même quand une de ses histoires finit de manière tragique (Un jour rêvé pour le poisson-banane), son mode d'écriture et son état d'esprit ne nous incitent pas à aborder la mort autrement que sur un mode badin. 
Les neuf nouvelles de ce recueil ont toutes été écrites pour The New Yorker entre 1948 et 1952. Thématiquement on reste dans la lignée de l'Accroche-coeurs, des histoires mettant en scène de jeunes hommes et de jeunes filles lors de leurs premiers émois amoureux, la perte de l'innocence et l'arrivée des responsabilités en même temps que l'âge adulte. Le thème pourrait paraître usant s'il n'était entrecoupé de subtilités telles que L'homme Hilare, superbe texte évocateur des contes de l'enfance mais également grâce au ton décalé de Salinger, son style ironique ne laissant aucune chance aux héros de ses nouvelles, dont il se moque ouvertement, les affublant d'une certaine mythomanie légitime pour les forcer à jouer les grands comme celui de La période bleue de Daumier-Smith, dont la passion rappelle assez celle de Moreau pour Mme Arnoux dans l'Education sentimentale de Flaubert.

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