Monsieur le Commandant - Romain Slocombe (2011)

Une lettre de dénonciation abandonnée dans une décharge publique...Finalement il y a une sorte de logique dans tout ça et elle y serait vraisemblablement restée si Peter Klemm ne s'y était pas baladé. Des lettres de ce genre, la France de 1940-1944 en a vu circuler des caisses entières. Jalousie, méchanceté, querelle de voisinage, tous les prétextes étaient bons pour déclencher la machine. Mais Paul-Jean Husson ne se doutait pas une minute qu'elle se retournerait contre lui. Pétainiste zélé, antisémite convaincu, sommité littéraire, ami de Jean Giraudoux, Husson passe ses journées à démontrer dans ses articles que les maux traversés par la France sont uniquement le fait des juifs et qu'il convient pour la redresser de s'en débarrasser. Tout va pour le mieux dans le meilleur des bunkers lorsque son fils débarque à la maison en compagnie de Ilse dont le vieux barbon se prend d'affection.
Se glisser dans la peau d'un académicien antisémite des années 30 n'est pas chose aisée et pas donné à tout le monde. Il faut accepter l'écriture ampoulée, la prodigalité de l'emploi du passé-simple et de l'imparfait du subjonctif et parvenir à croire fermement (ou du moins à faire semblant de croire) en l'existence du protocole des Sages de Sion comme les lovecraftiens en celle du Necronomicon. Dur. Slocombe, lui, y parvient sans souci. On reste perplexe sur la longueur exagérée de la lettre adressée à l'officier allemand, mais la lecture de P.J. Husson, en proie aux tourments de l'amour pour une personne dont il exècre pourtant totalement la nature pourrait presque avoir quelque chose de jouissif si elle déclenchait un brainstorming dans ses synapses. Mais rien de tel, au contraire, fidèle à sa bêtise crasse il en fera involontairement l'instrument de la disparition de son amour dans les chambres à gaz d’Auschwitz. Effrayant.
  

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