Le Chanteur de Gospel - Harry Crews (1968)

Le Chanteur de Gospel a un don. Il chante comme un dieu mais il n'a pas l'âme d'un messie, plutôt celle d'un libertin, le genre à s'amouracher de la première qui lui fera les yeux doux. Et vu sa notoriété elles sont nombreuses à le bader, à essayer d'attirer son attention. Le moine Dydimus est là pour le faire entrer dans le droit chemin, enfin surtout dans le placard à l'intérieur duquel il effectuera ses pénitences. Si pour la plupart ce sont des aventures d'un jour, Marybell s'accroche à lui, allant même jusqu'à presque le faire chanter. La mort de la belle, loin de tout effacer va au contraire faire surgir les démons, ceux de la repentance, car le Chanteur de Gospel n'en peut plus de vivre dans le mensonge et dans le déni. Il le paiera de sa vie mais mourra l'esprit libre.
Premier roman de Crews, le Chanteur de Gospel pose les jalons de son oeuvre en chaussant les pantoufles de Flannery O'Connor et de William Faulkner : la prédication religieuse et l'impact sur les masses de ce peuple sudiste qui n'a toujours pas digéré le succès des Yankees. Prédicateur n'est peut être pas le terme adéquat mais son chanteur attire tellement d'éclopés de la vie que le curé du coin a trouvé que ça serait cool de les rassembler sous un chapiteau pour une grande communion et que Pied, chef du barnum local, y voit là une occasion rêvée d’accélérer le recrutement pour son cirque. A mi-chemin entre le drame et le burlesque, Crews met en scène ces laissés pour compte, habituellement pas assez dignes pour en faire des héros de roman mais qu'il bichonne sans pour autant déclencher une totale empathie, chacun possédant une part sombre. L'air de rien, Crews renvoie le dualisme chrétien dans le domaine qu'il n'aurait jamais dû quitter, celui de la mythologie car, une chose est certaine, personne n'est innocent. Donc tout le monde est forcément un peu coupable.   

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