Le roi du K.O. - Harry Crews (1988)

Dans le barnum de Crews, Eugene Biggs n'a pas l'air d'être le plus tordu. Mais on connaît le loustic, si ça vient pas de suite, c'est que ça va pas tarder à venir. Une belle gueule, un gars pas plus con que la moyenne, quand on l'imagine fendre la foule en délire encapuchonné et battant l'air de ses poings avant de rejoindre le ring, on n'a toujours pas trouvé la mouche dans le lait, celle qui reliera le roi du K.O. au bataillon des éclopés de la vie que Crews nous fait découvrir depuis vingt ans. Il faut attendre le premier coup de cloche annonçant le début du combat pour comprendre. Une droite le touche au menton. Extinction des feux. Sauf que cette droite c'est la sienne, que les 72 K.O. vantés dans le vestiaire étaient les siens, ceux qu'il se mettait pour gagner sa vie et accessoirement pour amuser la galerie. Imparable. Cette vie qui, non seulement lui permet de se sustenter mais aussi de sustenter ses parents, fermiers en Géorgie, Biggs la subit jusqu'à ce que Jake lui fasse admettre qu'elle est assimilable à de la prostitution. Dès lors plus rien ne sera comme avant. Exit le deal passé avec Charity, qui ne s'autorise une relation avec Biggs qu'en instaurant une sorte de plan Marschall du pieu, confessions contre sexe. La rencontre avec l'Huître change complètement la donne et Eugene devient presque acteur de sa vie en prenant sous sa coupe un jeune boxeur cajun, Jacques Deverouge, dont le traducteur n'a rien trouvé de mieux que de lui faire parler le dialecte berrichon. Qu'importe car pour faire fonctionner tout ça il y a la verve de Crews, son humour, sa dramaturgie, son sens de la formule ("...je t'arrache la tête et je te gerbe dans les bronches") pour nous embringuer dans une histoire au scénario classique, celle d'un homme cherchant à redresser la route de sa vie après une série de zig-zags, laissant au bord les boulets qui entravaient son émancipation. 

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