Shooters # 8

On pourra vraiment pas dire que Gianni Amelio aura fait dans l'ostentatoire en adaptant le manuscrit du Premier homme, trouvé dans la bagnole de Camus lorsqu'il s'est enroulé autour d'un arbre de la nationale 6. Ça tombe bien, le bouquin ne visait pas ça non plus. Même si le fond reste un peu politique - la guerre d'Algérie - l'essentiel est ailleurs. En revenant sur les traces de son enfance à Alger, Camus y signait une œuvre plus testamentaire qu'autre chose, peut-être parce qu'après des années d'engagement intellectuel, et ce même si l'on est le plus acharné des cartésiens, savoir d'où l'on vient reste toujours l'une des questions les plus fondamentales, peut-être davantage que celles auxquelles l'on essaie de répondre tout en faisant semblant de se convaincre qu'elles sont essentielles. Si Podalydès, malgré le maquillage hideux dont il est affublé, est à peu près convaincant dans le rôle de M. Germain, Gamblin lui est impeccable dans son rôle, n'en faisant pas des caisses le long d'un film flegmatique où, comme les personnages, l'on se sent accablé par la chaleur et où la principale préoccupation n'est pas de se soucier de la situation politique, apparaissant par bribe comme si elle concernait un autre pays, mais de trouver un peu d'ombre en attendant qu'arrive la fraîcheur de la nuit.

Après un Take Shelter oppressant, ténébreux, lourdement chargé de symboles bibliques, Jeff Nichols revient à un genre un peu plus léger avec Mud, acclamé un peu partout. Moins mystique que son prédécesseur, même si les pointilleux pourront toujours trouver matière à ergoter dans les semelles à crucifix du héros ou l'omniprésence du serpent évoquant le péché originel, on se plait à accompagner Ellis et son copain Neck, sorte d'Eros des temps modernes qui vont s'employer à tenter de réunir Mud et Juniper contre l'avis de tous, en particulier Blankenship (Sam Shepard), ancien de la CIA qui s'amuse à dégommer les mocassins qui s'aventurent dans les eaux du fleuve, mais aussi le beau-père de Juniper à la tête d'une demi-douzaine de chasseurs de primes. En plus d'essayer de régler les affaires de Mud, Ellis lui essaie de se débattre entre ses occupations légitimes d'enfant de 14 ans et la séparation prochaine de ses parents. C'est frais et mignon tout plein mais, malgré les efforts de Nichols pour nous accrocher entre les allées et venues sur le fleuve, le film accuse un sérieux manque de rythme à tel point qu'il faut attendre un bon moment et le coup de gueule d'Ellis, émouvant et poignant, pour se sentir quelque peu concerné par l'histoire.

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