Le saule - Hubert Selby (2001)

Bobby et Maria n'emmerdaient personne et, bien qu'ados, leur amour n'en était pas moins puissant. Mais leur union mixte entre lui le black et elle la porto-ricaine dérangeait, plus par ignorance, par jalousie qu'autre chose. A tel point que lorsque toux deux croisent les amis de la belle, l'idylle tourne au cauchemar. Recueilli par Moishe dans son appartement improbable dans les bas-fonds de New York, Bobby va se requinquer tout en ruminant sa vengeance envers celui qui lui a pourri la vie.

Formidable dénonciation du communautarisme, Le Saule met en scène des caractères totalement largués par les institutions officielles, sans aucune perspective d'avenir. Ainsi la tentation est forte de se projeter dans ce qui est le plus évident, le plus flagrant, se replier sur soi, chercher des certitudes chez son soi-disant semblable, et passer ses nerfs sur celui qui n'a pas la même couleur de peau. Dans la biblio de Selby Le Saule occupe une place réellement à part même si l'on en devinait les prémices avec Requiem for a dream. Selby laisse parler sa part la plus tendre, délaissant définitivement les perversions de Last Exit to Brooklyn pour une histoire classique d'amour filial, où il est surtout question de vengeance et de rédemption. On pourrait croire que Selby dépose les armes, c'est peut-être vrai d'ailleurs, mais en contrepartie il y gagne une plénitude assez en rapport avec son âge avancé lorsqu'il écrit le bouquin. Son style reste toujours aussi ardu à déchiffrer pour celui qui a décidé de s'octroyer un moment de lecture au cours d'une bronzette à Narbonne-Plage mais c'est le seul moyen que Selby a trouvé pour retranscrire au plus près le langage de la rue, le langage du prolétariat, des oubliés de la vie. Plus qu'une œuvre, Le Saule est son testament.

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