Un pour marquer la cadence - James Crumley (1969)

Une première partie aux Philippines qui ferait presque passer la guerre du Vietnam pour un week-end à Miami entre l'alcool, les cigarettes et les putes n'était l'odeur du napalm déversé à quelques kilomètres de là. Si Jack Krummel (ré)écrit cette histoire c'est à la suite d'un pari avec Gallart le médecin du service dans lequel il a atterri après sa dernière offensive contre les vietcongs. Mais aussi pour essayer d'extirper le mal qu'il a accumulé durant cette période où il a rempilé après une histoire d'amour qui a mal tourné. Classique mais efficace. Un pour marquer la cadence est le parcours d'une section composé entre autres de Novotny, Cable, Franklin, et Joe Morning qui vont tuer le temps en cantonnement pendant des mois avant de se frotter à l'odeur du sang et de la mort. C'est surtout le  récit d'une amitié parfois destructrice, parfois protectrice entre Morning et le sergent-chef Krummel, qui doit composer entre les parties de beuverie et les responsabilités de sa charge.
Avec son premier roman, Crumley plonge directement dans ce qui a constitué le traumatisme américain n°1 pendant des années, du moins avant les événements du 11 septembre. Un ton direct, une écriture naturelle sans trop d'aspérités, l'auteur va au plus simple pour décrire cette micro-société où pas mal de codes sont chamboulés par la présence permanente de la mort. Certes ça sent la sueur et les chaussettes en souffrance sur le couvercle de la cantine, mais Crumley parvient aussi à transmettre une proximité entre les personnages, une unité devant l'adversité qu'il est difficile de retrouver dans un autre contexte. Alors oui, on retrouve dans Un pour marquer la cadence tous les ingrédients pour une histoire de guerre réussie, à savoir un pondéré (Krummel), une tête brûlée (Morning) et un officier con comme une table (Dottlinger) et sa lecture aura certainement moins d'impact que les images de ces poids lourds du cinéma que sont Platoon ou Full Metal Jacket, références ultimes en la matière. Toutefois, en plus de son antériorité, le texte de Crumley possède une force, un flow et une liberté de ton que ne pourront jamais restituer les images à leur juste valeur, aussi talentueux soit le réalisateur.

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